Florent VintrignerFlorent Vintrigner — photographie droits réservés

« J’ai longtemps joué sur un Cavagnolo Vedette 5 avec lequel j’ai vécu de grands moments, de la rue jusqu’aux salles de concert. Nous avons partagé toutes mes notes de musique, les bonnes et les mauvaises, ma sueur, ma bière et celle des autres, des nuits à dormir sur la plage, la fumée des bars et la poussière des chapiteaux. Quand j’ai croisé Jean-Pierre de la Maison de l’accordéon, il était bon pour la retraite. Je parle de mon Cava, pas de Jean-Pierre. Ce n’est jamais facile de remplacer un instrument auquel on s’est attaché, on sait que l’on va perdre une complicité et on se dit qu’il faudra en créer une nouvelle.

 

J’aime les passionnés, les artisans qui font bien leur métier, les gens qui s’intéressent aux autres et qui regardent devant eux, alors Jean-Pierre m’a tout
de suite plu. Avant d’aller à la rencontre d’un nouvel instrument, je faisais celle d’un bonhomme et de sa famille. C’était en 2009, après un concert de la Rue Ketanou. Jean-Pierre était venu nous écouter. Nous avons parlé de la musique, de l’accordéon, des musiciens, des voyages, de la Rue Ketanou, de mon tour de chant, du Théâtre du Fil, de la Maison de l’accordéon, de son atelier et de la marque italienne : Fisart.

 

La Rue KetanouLa Rue Ketanou — photographie droits réservés

 

 

J’ai essayé le Music-hall, Jean-Pierre m’a conseillé un accordage swing et j’ai tout naturellement acheté ce modèle préparé par la Maison de l’accordéon. Plus léger que mon Vedette 5, avec plus de registres, de belles rondeurs dans le son, un grand confort de jeu. Un accordéon sobre, classe et généreux. Il m’inspire. C’est celui que je joue dans mon tour de chant, ou quand je fais la musique pour le Théâtre du Fil et lorsque je compose.

 

Toutefois, pour la Rue Ketanou, notre sonorisateur a besoin d’un accordéon avec une main droite plus incisive et une main gauche plus compacte. En effet, dans La Rue Ketanou nous ne sommes que trois et nous nous produisons souvent sur de grandes scènes. La main gauche nous sert de basse et la main droite est très présente. J’adore le son du Music' hall mais ce n’est pas celui de La Rue Ketanou.

 

Quand j’en ai parlé à Jean-Pierre, il a tout de suite compris et m’a proposé un autre Fisart : le Cabaret. Avec les copains de La Rue Ketanou, nous l’avons rebaptisé « Paillette », on comprend pourquoi quand on le voit. C’est un magnifique quatre-vingt seize
basses, très malléable, qui en a dans le ventre et qui convient parfaitement pour La Rue Ketanou. Un accordéon sportif. La Maison de l’accordéon nous l'a mis à disposition « à prix d'amis »;  en échange ils espèrent qu’en montant sur scène avec lui, je contribue à faire connaitre les accordéons Fisart. 

C’est une collaboration qu’ils avaient déjà mise en place avec d’autres accordéonistes. J’ai précisé à Jean-Pierre que j’étais loin d’avoir leur niveau et il m’a répondu qu’il s’en était bien rendu compte mais que ça ne l’empêchait pas d’apprécier mon travail et de croire que je pouvais toucher encore un autre public.

 

Aujourd’hui je joue sur deux Fisart préparés et entretenus par la Maison de l’accordéon. On dirait des frères et je les aime tous les deux. Quand je les emmène à la boutique pour un accordage ou une réparation, j’ai l’impression d’accompagner le Music' hall et le Cabaret en visite chez leurs parents. Au téléphone c’est pareil, on me demande de leurs nouvelles.

 

Il règne dans cette Maison, une jolie passion. Quand je passe à la boutique, Annick, la femme de Jean-Pierre, entame vite une longue conversation et je suis chaque fois invité à dire bonjour à la petite équipe familiale qui travaille là-haut dans l’atelier. Je me sens bien dans cette maison. On y écoute les accordéons autant que les accordéonistes, on y travaille avec les mains et le cœur et j’ai le sentiment que celui qui y entre en fait déjà un peu parti. »

— Florent Vintrigner